jeudi 29 janvier 2015

Et pourquoi pas les Qataris en demi-finale du tournoi tant qu’on y est ?

Le Mondial de handball au Qatar ?

Et pourquoi pas les Qataris en demi-finale du tournoi tant qu’on y est ?




Le Qatar est dans le top 4 du hand mondial. Ce n'est pas une blague. Explication.



Avec quatre mois d'avance, le sélectionneur de l'équipe de France nous avait prévenus : le petit émirat n'allait pas se contenter d'organiser le championnat du monde de handball, il allait également le jouer, et surprendre plus d'un adversaire. Philippe Bana, directeur technique national français, voyait volontiers le pays hôte arriver jusqu'en quart de finale. Le voilà dans le dernier carré. Voici comment le Qatar - ce pays où "le handball est l'équivalent du hand en France dans les années 1970", dixit Michel Filliau, membre français du Comité olympique qatari - s'apprête à jouer, demain face à la Pologne, pour une place en finale.



***



Quand, il y a quatre ans, le Qatar obtient l'organisation du Mondial 2015, il ne possède aucune salle susceptible d'accueillir un tel événement, et aucune équipe nationale susceptible d'y remporter le moindre match. Trois salles magnifiques sont sorties de terre en moins de deux ans. Et une équipe.



I. D'abord, un sélectionneur



La première pierre s'appelle Valero Rivera. En avril 2013, trois mois après avoir mené l'équipe d'Espagne au titre mondial, le sélectionneur change de crèmerie, et s'engage avec le Qatar - qui avait, un temps, songé à donner le poste à Sylvain Nouet, entraîneur adjoint de Claude Onesta chez les Bleus de 2001 à 2014.



Rivera est l'un des meilleurs entraîneurs du monde : six fois vainqueur de la Ligue des champions avec le club de Barcelone (1991, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000). Un pont d'or est offert à l'Espagnol - 800 000 euros par an, selon L'Equipe -, qui a pour mission de bâtir une sélection capable de bien figurer, deux ans plus tard, au Mondial à domicile. Et si possible de la qualifier pour les Jeux olympiques de Rio, l'année suivante.



II. Ensuite, des joueurs



L'équipe du Qatar n'est pas vraiment l'équipe du Qatar. Valero Rivera profite de la souplesse du règlement de la Fédération internationale de handball - après trois ans sans porter le maillot d'une équipe nationale, un joueur peut changer de sélection - pour rassembler sous le maillot blanc et pourpre des joueurs venus des quatre coins du globe.



Le gardien de but du Qatar, Danijel Šarić, est bosnien. Le second gardien, Goran Stojanović, est monténégrin. Les joueurs de champ ? Žarko Marković, monténégrin. Jovo Damjanović, monténégrin. Eldar Memišević, bosnien. Hassan Mabrouk, égyptien. Mahmoud Hassab Alla, égyptien. Youssef Benali, tunisien. Borja Vidal, espagnol. Rafael Capote, cubain. Bertrand Roiné, français. Seuls Kamalaldin Mallash, Abdulla Al-Karbi, Hamad Madadi, Hadi Hamdoon et Ameen Zakkar sont qataris, et pour tout vous dire, on n'a même pas réussi à savoir s'ils étaient nés ici, ou s'ils avaient obtenu la nationalité au cours de leur existence.



• Betrand Roiné : "Je ne me sens pas qatari"



Les éléments "importés" sont tous de bons, voire de très bons joueurs - quand le gardien Šarić a décidé de ne pas prendre de buts... -, qui soit n'avaient plus aucune chance d'intégrer leur sélection nationale, barrés par la concurrence (Roiné, par exemple), soit n'auraient jamais pu disputer de grands tournois internationaux à cause de la faiblesse de leur équipe (Capote, par exemple, qui avait de toutes façons fui Cuba en 2007), soit se sont fâchés avec leur fédération nationale (beaucoup d'ex-Yougoslaves).



Il n'est pas impossible que l'appât du gain en ait motivé plus d'un. Des rumeurs hallucinantes circulent dans les couloirs des arènes du Mondial - on entend parler de 100 000 euros par match gagné, de 1,5 million de dollars par joueur en cas de victoire finale, etc. Ces chiffres sont invérifiables. "Ce sera au bon vouloir de l'émir", sourit Bertrand Roiné.



Notez que le Qatar n'a rien inventé : l'équipe d'Espagne, par exemple, a bâti de nombreux succès sur le génial Talant Dujshebaev, né en ex-URSS et champion olympique et champion du monde avec la Russie. Ou encore sur le gardien Arpad Sterbik, né en ex-Yougoslavie, et qui a honoré 120 sélections avec la Serbie avant de passer sous pavillon espagnol.



• Voyez ce diaporama de Libération sur les naturalisés du handball



"Le Qatar est un pays jeune dans plusieurs domaines, et ils essaient de progresser vite, donc le truc qu'ils ont trouvé, c'est de prendre des joueurs, explique Bertrand Roiné. Je comprends qu’on se pose des questions, notamment en termes d’équité par rapport aux autres sélections, mais on encourage bien le rugby français alors que des étrangers jouent avec le XV de France. Il y a des règles, c’est comme ça. Là, on en parle beaucoup parce que c’est le Qatar."



III. Enfin, un groupe facile



Les spectateurs présents à la cérémonie du tirage au sort du Mondial, le 20 juillet 2014 au Ritz Carlton de Doha, ont assisté à une scène surréaliste. Les 24 équipes qualifiées étaient réparties en six chapeaux, afin de définir quatre groupe de six.



Chapeau 1 : Espagne, France, Danemark, Croatie

Chapeau 2 : Pologne, Suède, Slovénie, Bosnie-Herzégovine

Chapeau 3 : Russie, Qatar, Macédoine, Algérie

Chapeau 4 : Argentine, République tchèque, Biélorussie, Autriche

Chapeau 5 : Tunisie, Égypte, Brésil, Arabie saoudite

Chapeau 6 : Allemagne, Chili, Islande, Iran



La procédure commence. Chaque équipe des chapeaux 1, 2, 4, 5, 6 se retrouve dans un groupe.



Groupe A : Espagne, Slovénie, Biélorussie, Brésil, Chili

Groupe B : Croatie, Bosnie-Herzégovine, Autriche, Tunisie, Iran

Groupe C : France, Suède, République tchèque, Egypte, Islande

Groupe D : Danemark, Pologne, Argentine, Arabie saoudite, Allemagne



La délégation qatarienne se retire alors dans un bureau aux parois vitrées, et entame un conciliabule d'une dizaine de minutes, à la vue du public, à qui l'on passe des vidéos sur un écran géant en attendant. Puis tout ce petit monde revient, et annonce qu'il a choisi de jouer dans le groupe A. Le tirage au sort pour les trois équipes restantes du chapeau 3 peut alors se poursuivre.



Ce privilège du pays hôte, autorisé à choisir son groupe, n'est pas une première non plus : lors de Jeux olympiques de Londres en 2012, l'équipe de handball britannique, en tant que représentante de la puissance invitante, en avait également bénéficié.



Bonus. Un poil de chance



Quoi qu'on pense de la façon dont cette équipe a été fabriquée, il faut souligner que Valero Rivera a fait un sacré boulot pour assembler le puzzle qu'il avait dans les mains. L'équipe du Qatar a tenu tête au grand Danemark (23-23) début 2014, a surclassé la Russie (33-22) début 2015, et est devenue championne d'Asie et médaillée d'or aux Jeux asiatiques entre temps. Et en juin dernier, le championnat qatari - où évoluent 15 des 16 joueurs de l'équipe - a été suspendu jusqu'au Mondial, pour permettre à la sélection nationale de parfaire les automatismes.



Au premier tour, cette équipe-patchwork a dominé le Brésil (28-23), le Chili (27-20), la Slovénie (31-29) et la Biélorussie (26-22), ne s'inclinant que face à l'Espagne (25-28), après avoir fait jeu égal avec les champions du monde pendant toute la partie. En huitième de finale face à l'Autriche, le Qatar était mené à la pause, mais a renversé la vapeur dans les cinq dernières minutes du match (29-27).



Il a ensuite eu l'heureuse surprise de voir le Danemark disparaître de son parcours. Tout le monde voyait les Scandinaves terminer premiers du groupe D, et donc croiser le Qatar en quart de finale. Les Danois ont fini seconds, et c'est l'Allemagne, adversaire moins redoutable, qui a hérité de la première place, et du droit de se faire sortir en quart par le Qatar (26-24). La Pologne, vendredi en demi-finale, est une équipe tout à fait à la portée de la troupe de Valero Rivera. Et la France, dimanche, en finale ?








Et pourquoi pas les Qataris en demi-finale du tournoi tant qu’on y est ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire