mardi 30 décembre 2014

Procès Navalny : Yves Rocher, une plainte au service du pouvoir

Procès Navalny :

Yves Rocher, une plainte au service du pouvoir




L’affaire pour laquelle ont été condamnés, mardi 30 décembre, Alexeï et Oleg Navalny, restera dans les annales de la justice russe sous le nom d’« affaire Yves Rocher ». La société française de cosmétiques aura été de bout en bout présente dans les débats, et risque de porter longtemps comme une tache son rôle dans le procès du principal opposant russe.



Le jugement rendu mardi conclut que la société de logistique des frères Navalny a escroqué 26 millions de roubles (370 000 euros) à la compagnie de cosmétiques en lui surfacturant ses services entre 2008 et 2012, une surfacturation obtenue grâce au poste de cadre qu’Oleg occupait à la Poste russe.



Pour comprendre le rôle de la société française, il faut remonter à 2008. C’est alors Yves Rocher qui sollicite Glavpodpiska pour assurer la livraison d’une partie des commandes de ses clients. Les deux entreprises travaillent ensemble pendant quatre ans. Fin 2012, Bruno Leproux, directeur général d’Yves Rocher Vostok, filiale russe de la maison mère, demande au Comité d’enquête russe d’établir si Glavpodpiska a abusé son entreprise. La démarche équivaut à une plainte.



Que s’est-il passé pour qu’Yves Rocher poursuive son prestataire ? On sait seulement que, peu auparavant, la justice avait commencé à s’intéresser à l’entreprise de cosmétiques dans le cadre d’une autre affaire, Kirovles, impliquant également Alexeï Navalny. Les enquêteurs ont-ils fait pression sur Yves Rocher Vostok afin qu’il porte plainte ? C’est ce que pensent nombre d’observateurs, et parmi eux Sergueï Gouriev, économiste russe réfugié à Paris : « Je ne sais pas précisément quels moyens de pression les enquêteurs ont utilisé, mais il était important pour eux qu’une société étrangère soit impliquée. Cela donnait au dossier une apparence de solidité. »



La société française semble avoir regretté ensuite de s’être laissée manipuler. Lors d’une des audiences, son directeur financier a assuré que les prix pratiqués par Glavpodpiska étaient inférieurs à ceux du marché, et que s’il devait resigner aujourd’hui le même contrat, il le ferait. L’entreprise a également conduit un audit interne concluant qu’elle n’avait subi aucun préjudice.

« Comme s’ils n’étaient pas concernés  »



Ce que les soutiens d’Alexeï Navalny reprochent à Yves Rocher, c’est de n’avoir pas déclaré publiquement que, puisque il n’y avait pas de préjudice, il n’y avait pas de coupable. Depuis le début de l’affaire, la société a gardé le silence, se contentant de rares communiqués laconiques. Un journaliste qui a suivi les audiences explique que les représentants d’Yves Rocher, lorsqu’ils étaient présents au tribunal, se sont conduits sinon en victimes, du moins « comme des observateurs neutres, comme s’ils n’étaient pas concernés ». Pour cela, Yves Rocher a dû affronter plusieurs campagnes internationales intitulées « Nous voulons des réponses » et des appels au boycottage d’autant plus gênants que le marché russe est le deuxième après la France.



« Ce silence est leur principale erreur, estime un patron français installé à Moscou. S’ils avaient alerté ne serait-ce que l’ambassade, ils auraient pu être protégés. Mais c’est un milieu habitué aux tracasseries avec les douanes, pas à se retrouver dans des situations aussi sensibles. » Seul fait solide dans cette affaire qui semble montée de toutes pièces, l’enquête a mis au jour une société offshore montée par les Navalny, dans le contrat qu’ils ont signé avec Yves Rocher.



Bruno Leproux, l’ex-directeur général, n’a accordé qu’un seul entretien à une journaliste russe, publié lundi, veille du verdict. Il y fait des réponses extrêmement évasives, mais assure ne pas avoir subi de pressions. Yves Rocher n’a pas renouvelé son contrat. Un an plus tard, il a retrouvé un emploi chez Ile de Beauté, une société russe de parfumerie connue pour ses liens avec les cercles du pouvoir.








Procès Navalny : Yves Rocher, une plainte au service du pouvoir

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