En recourant au 49-3, le gouvernement passe en force sans jouer sa peau
Il y a deux lectures possibles du choix fait par Manuel Valls, mardi 17 février, de recourir à larme du 49-3 afin de faire adopter le projet de loi de son ministre de léconomie, Emmanuel Macron. La première est la plus évidente : elle consiste à y voir un aveu de faiblesse de la part du gouvernement.
Recourir au 49-3, cest admettre quun gouvernement na plus de majorité pour faire adopter un projet de loi. De ce point de vue, ce 17 février 2015 marque un tournant du quinquennat. Jusquà présent, la majorité avait rechigné, grogné, regimbé, mais elle avait voté. Avant les lois de finances et les projets de loi de finances rectificative, les calculatrices séchauffaient, les « frondeurs » montraient leurs muscles, lexécutif avait des sueurs froides, mais, in fine, les textes étaient adoptés. François Hollande, en vieil habitué des congrès du Parti socialiste autant quen éternel optimiste, ne voyait dailleurs pas forcément dun mauvais il ceux qui faisaient défection au sein de la majorité. Cela lui permettait de donner limage dun président ouvert au débat, rétif à toute idée de caporalisation, en même temps que cela présentait lavantage, pour ceux qui ne se pliaient pas à la discipline de groupe, de faire entendre leur voix et dexister aussi bien politiquement que médiatiquement.
Incontestable camouflet
Désormais, le gouvernement ne peut plus se permettre un tel luxe. Les « frondeurs », naguère peu redoutés, sont dorénavant pris au sérieux. Pour lexécutif, cest un signe de vulnérabilité que nul ne peut contester. Cette faiblesse est dautant plus manifeste que le gouvernement disposait a priori dun atout qui pouvait laisser penser que ladoption du projet de loi Macron se ferait plus aisément que celle dautres textes par le passé.
Cet atout résidait dans le climat politique général de ce début dannée, ce fameux « esprit du 11 janvier » qui, pendant quelques semaines, avait semblé réduire au silence les « frondeurs ». Dans le contexte post-attentats, le gouvernement espérait secrètement que la gravité de la situation allait resserrer les rangs et que les tiraillements internes à la majorité, qui avaient été le quotidien des deux premières années du quinquennat, ne seraient plus que de mauvais souvenirs.
« Lesprit du 11 janvier », pas plus que les efforts considérables déployés par M. Macron pour convaincre les parlementaires de voter son texte nauront donc suffi. Lon aurait pu penser en effet que les dizaines dheures de débat, en commission puis en séance, passées à éplucher le texte, auraient fini par avoir raison des plus réticents, voire auraient permis de construire une majorité alternative en compensant les défections à gauche par des soutiens au centre et même à lUMP. La preuve est quil nen est rien. Lhabileté du ministre et des rapporteurs du texte ny a rien fait là non plus. Pour lexécutif, cest un incontestable camouflet.
Coût politique limité
En choisissant le passage en force à lAssemblée nationale, le gouvernement se trouve-t-il pour autant durablement affaibli politiquement ? Rien nest moins sûr. Dabord parce que, sagissant de la loi Macron, le gouvernement na pas lopinion contre lui, au contraire. Selon un sondage Odoxa-FTI Consulting pour Les Echos et Radio Classique publié fin janvier, 61 % des Français auraient en effet voté le texte sils avaient été à la place des parlementaires, et parmi eux 58 % des sympathisants de gauche. Pour le gouvernement, le coût politique du recours au 49.3 sur un texte globalement approuvé par lopinion et en particulier par la gauche est donc relativement limité. Pour lexécutif, la fronde parlementaire est acceptable tant quelle ne saccompagne pas dune fronde populaire.
Les précédents dans lhistoire de la Ve République le rappellent : en recourant au 49.3, un gouvernement ne signe pas nécessairement son arrêt de mort. Raymond Barre, premier ministre de 1976 à 1981, engagea sa responsabilité huit fois sur quatre textes ; Pierre Mauroy, qui lui succéda de 1981 à 1984, le fit sept fois sur cinq textes différents ; Laurent Fabius, entre 1984 et 1986, le fit à quatre reprises ; Jacques Chirac, pendant la cohabitation de 1986 à 1988, utilisa quant à lui huit fois le 49-3.
Le recordman en la matière reste cependant Michel Rocard qui, lorsquil fut premier ministre de 1988 à 1991, y recourut 13 fois. Ce qui ne lempêcha ni de gouverner, ni de réformer, ni dêtre populaire. Cest sans doute le pari que fait ce soir Manuel Valls qui, pour avoir été conseiller à Matignon auprès de Michel Rocard, sait mieux que dautres comment se conduit laction dun gouvernement quand il ne bénéficie plus que dune majorité relative à lAssemblée nationale.
Il y a deux lectures possibles du choix fait par Manuel Valls, mardi 17 février, de recourir à larme du 49-3 afin de faire adopter le projet de loi de son ministre de léconomie, Emmanuel Macron. La première est la plus évidente : elle consiste à y voir un aveu de faiblesse de la part du gouvernement.
Recourir au 49-3, cest admettre quun gouvernement na plus de majorité pour faire adopter un projet de loi. De ce point de vue, ce 17 février 2015 marque un tournant du quinquennat. Jusquà présent, la majorité avait rechigné, grogné, regimbé, mais elle avait voté. Avant les lois de finances et les projets de loi de finances rectificative, les calculatrices séchauffaient, les « frondeurs » montraient leurs muscles, lexécutif avait des sueurs froides, mais, in fine, les textes étaient adoptés. François Hollande, en vieil habitué des congrès du Parti socialiste autant quen éternel optimiste, ne voyait dailleurs pas forcément dun mauvais il ceux qui faisaient défection au sein de la majorité. Cela lui permettait de donner limage dun président ouvert au débat, rétif à toute idée de caporalisation, en même temps que cela présentait lavantage, pour ceux qui ne se pliaient pas à la discipline de groupe, de faire entendre leur voix et dexister aussi bien politiquement que médiatiquement.
Incontestable camouflet
Désormais, le gouvernement ne peut plus se permettre un tel luxe. Les « frondeurs », naguère peu redoutés, sont dorénavant pris au sérieux. Pour lexécutif, cest un signe de vulnérabilité que nul ne peut contester. Cette faiblesse est dautant plus manifeste que le gouvernement disposait a priori dun atout qui pouvait laisser penser que ladoption du projet de loi Macron se ferait plus aisément que celle dautres textes par le passé.
Cet atout résidait dans le climat politique général de ce début dannée, ce fameux « esprit du 11 janvier » qui, pendant quelques semaines, avait semblé réduire au silence les « frondeurs ». Dans le contexte post-attentats, le gouvernement espérait secrètement que la gravité de la situation allait resserrer les rangs et que les tiraillements internes à la majorité, qui avaient été le quotidien des deux premières années du quinquennat, ne seraient plus que de mauvais souvenirs.
« Lesprit du 11 janvier », pas plus que les efforts considérables déployés par M. Macron pour convaincre les parlementaires de voter son texte nauront donc suffi. Lon aurait pu penser en effet que les dizaines dheures de débat, en commission puis en séance, passées à éplucher le texte, auraient fini par avoir raison des plus réticents, voire auraient permis de construire une majorité alternative en compensant les défections à gauche par des soutiens au centre et même à lUMP. La preuve est quil nen est rien. Lhabileté du ministre et des rapporteurs du texte ny a rien fait là non plus. Pour lexécutif, cest un incontestable camouflet.
Coût politique limité
En choisissant le passage en force à lAssemblée nationale, le gouvernement se trouve-t-il pour autant durablement affaibli politiquement ? Rien nest moins sûr. Dabord parce que, sagissant de la loi Macron, le gouvernement na pas lopinion contre lui, au contraire. Selon un sondage Odoxa-FTI Consulting pour Les Echos et Radio Classique publié fin janvier, 61 % des Français auraient en effet voté le texte sils avaient été à la place des parlementaires, et parmi eux 58 % des sympathisants de gauche. Pour le gouvernement, le coût politique du recours au 49.3 sur un texte globalement approuvé par lopinion et en particulier par la gauche est donc relativement limité. Pour lexécutif, la fronde parlementaire est acceptable tant quelle ne saccompagne pas dune fronde populaire.
Les précédents dans lhistoire de la Ve République le rappellent : en recourant au 49.3, un gouvernement ne signe pas nécessairement son arrêt de mort. Raymond Barre, premier ministre de 1976 à 1981, engagea sa responsabilité huit fois sur quatre textes ; Pierre Mauroy, qui lui succéda de 1981 à 1984, le fit sept fois sur cinq textes différents ; Laurent Fabius, entre 1984 et 1986, le fit à quatre reprises ; Jacques Chirac, pendant la cohabitation de 1986 à 1988, utilisa quant à lui huit fois le 49-3.
Le recordman en la matière reste cependant Michel Rocard qui, lorsquil fut premier ministre de 1988 à 1991, y recourut 13 fois. Ce qui ne lempêcha ni de gouverner, ni de réformer, ni dêtre populaire. Cest sans doute le pari que fait ce soir Manuel Valls qui, pour avoir été conseiller à Matignon auprès de Michel Rocard, sait mieux que dautres comment se conduit laction dun gouvernement quand il ne bénéficie plus que dune majorité relative à lAssemblée nationale.
En recourant au 49-3, le gouvernement passe en force sans jouer sa peau
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