Le Nigeria dans lattente après une journée de vote dans le calme
Et le Nigeria de pousser un premier soupir, intense, de soulagement, dimanche 29 mars : la veille, le jour de vote tant attendu, tant redouté, sest terminé sans problème majeur. Et cela constitue déjà une première victoire pour le pays tout entier.
Boko Haram, pour commencer, avait promis de perturber le scrutin, cet exercice « impie » qui semble pourtant provoquer lenthousiasme général au Nigeria, toutes religions confondues, et laisse planer la possibilité, pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1999, quun parti dopposition, le All Progressives Congress (APC), remporte la victoire face à lindéboulonnable parti au pouvoir, le Peoples Democratic Party (PDP).
Le groupe djihadiste dAbubakar Shekau na pas déclenché dattentats-suicides majeurs, comme il lavait fait ces dernières semaines, notamment dans les principales villes de son aire daction, dans les états du nord-est du pays. De tels attentats auraient été susceptibles, peut-être, de faire dérailler le vote, surtout dans les camps des déplacés (près dun million de personnes au total ont été chassées de chez elles), où des explosifs ont été retrouvés les jours derniers. Néanmoins, des hommes de Boko Haram ont attaqué plusieurs localités, dans lEtat de Borno ou celui, voisin, de Yobe, où les assaillants ont tué vingt-cinq personnes dans une seule localité.
Dimanche, une tentative dattaquer Bauchi a par ailleurs été lancée par une colonne dune dizaine de véhicules de la secte islamiste. Des combats ont opposé plusieurs de ses membres aux forces armées à une dizaine de kilomètres de la ville, alors que le vote avait encore lieu dans certains quartiers. Il nempêche : les insurgés ont subi de sérieux revers militaires au cours des dernières semaines, et leur capacité à perturber lélection de manière significative aurait pu apparaître comme un signe de force : ce ne fut pas le cas. Leur ville symbole, Gwoza, prise quelques heures avant le scrutin : cela aurait pu passer pour une manuvre maladroite de récupération. Mais rien de ce qui concerne Boko Haram na plus ces jours-ci dimpact sur lopinion nigériane hors des zones touchées par linsurrection. Le pays est tout entier emporté par la bataille politique et le résultat de lélection, bien plus que par les mouvements de ses soldats dans le lointain Nord-Est.
Autre catastrophe évitée : les mesures dintimidation délecteurs que lopposition, le All Progressives Congress (APC), disait redouter le jour du vote, nont globalement pas eu lieu. Hormis quelques incidents isolés, les groupes de voyous nont pas terrorisé des régions entières. En tout cas pas jusquà présent. Dans la région du delta du Niger, doù est originaire le président, Goodluck Jonathan, de nombreux groupes de « militants » surarmés ont déjà annoncé quils naccepteraient pas de défaite de leur candidat. Mais cette question, pour lheure, est suspendue, et jusquici, nul na déclenché de perturbations du scrutin. Les policiers et soldats, dans lensemble, ont surtout veillé à la sécurité générale (doù, sans doute, labsence de grands attentats). Dimanche, en cours de journée, il était encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur la tenue du scrutin, dabord, parce que le vote nétait pas terminé à léchelle nationale : il avait fallu rouvrir 300 bureaux de vote (sur 153 000 à travers tout le pays) où lélection navait pas pu se terminer samedi soir, pour cause de problèmes techniques. Ensuite, il faudra attendre la proclamation des résultats. Cest à présent le seul sujet de préoccupation national.
Une interminable journée dattente
A quoi se mesure lenvie dune nation de peser sur son destin un jour délection ? A son irrépressible désir de voir un parti ou lautre triompher dans un vote dans lespoir que la vie, léducation, lemploi, laccès aux soins, en soient améliorés. Mais aussi, à son courage physique. Tout cela est réuni en concentration très élevée au Nigeria, où il a fallu, samedi, que des dizaines de millions délecteurs endurent une interminable journée dattente, dans des villes où toute activité avait cessé, pour enfin voter. Ces longues heures de retard doivent beaucoup à un nouveau système denregistrement et didentification des électeurs, à laide dune carte biométrique.
Ces cartes personnelles ont été adoptées pour limiter lampleur des fraudes : chacune dentre elles contient une puce dans laquelle se trouvent la photo et les empreintes digitales de linscrit. Cela interdit, en théorie, les « achats » de cartes en groupes par les partis politiques. Mais samedi matin un grand nombre de lecteurs de cartes à travers le Nigeria se sont révélés défaillants : des retards notables ont été enregistrés dans près de la moitié des bureaux de vote à léchelle du pays, selon la Situation Room, un regroupement dorganisations de la société civile. Même le président de la république, Goodluck Jonathan, a été obligé de sy reprendre à plusieurs fois et essayer plusieurs appareils, pour voir finalement ses empreintes digitales reconnues, et pouvoir voter dans son bureau de vote de lEtat de Bayelsa (sud du pays).
A Kaduna (à 160 km au nord dAbuja) aussi, de nombreux lecteurs refusaient samedi matin de reconnaître les empreintes, tout en lisant les cartes Il a donc fallu se résoudre à recourir aux vieilles méthodes : émarger les noms sur une liste imprimée des inscrits « Nous avons fait de notre mieux dans des circonstances très difficiles », a déclaré le président de la Commission nationale électorale indépendante (INEC), Attahiru Jega à la télévision samedi soir, en ajoutant : « Cela na pas empêché les lecteurs de carte dajouter une crédibilité substantielle [au scrutin]. » Un avis partagé par de nombreux votants. Dans le nord de Kaduna, en zone ultra-favorable à lAPC, les inscrits, hommes et femmes, sont arrivés avant le lever du soleil, samedi. Le soir, ils étaient encore en train dattendre devant les tentes érigées sur la place devant lhôpital de Badarawa. On tient le coup en grignotant un beignet ou une tranche de pastèque. Se plaindre ? Jamais de la vie ! « Il ny a que les enfants qui se plaignent. On ne bouge pas ! On restera toute la nuit, sil le faut, mais je ne partirai pas dici avant davoir voté pour le changement [pour lAPC] », commence par expliquer un homme dans la foule, avant dajouter : « Bien sûr, cest long, mais avec les nouvelles cartes, on a moins de chaos, moins de voyous qui viennent tout perturber. Cest beaucoup plus difficile de tricher. »
Létape délicate de lannonce des résultats
Dans le sud de la ville, non loin de la raffinerie, on partage ce point de vue, même si le vote se fait en revanche en faveur du parti au pouvoir, le PDP. Il est facile de le constater puisque les électeurs, comme les électrices, sortant de lisoloir, exhibent soigneusement leur bulletin avant de le plier, afin quil soit bien visé par deux hommes mystérieux, au sein de la foule, qui vérifient ainsi que le vote a bien été fait en faveur du parti au pouvoir. En une heure de dépouillement, pas un électeur névite cette « exhibition ». Tous ont voté, sans exception, pour le PDP.
Ce nest quune des multiples imperfections de ce scrutin géant (68,8 millions dinscrits à lorigine, mais peut-être un dixième dentre eux nont jamais reçu leur nouvelle carte biométrique). Une fois les derniers bureaux de vote fermés commencera létape suivante : lannonce des résultats. La plus dure. La plus délicate. Pour lemporter à lélection présidentielle, lun des quatorze candidats doit réaliser le score le plus important, mais aussi obtenir au moins 25 % des voix dans les deux tiers des 36 Etats de la fédération nigériane. Les résultats de lélection des sénateurs et des députés, dont lélection sest tenue également samedi, nauront pas le même impact que le choc des titans : les deux candidats principaux, Goodluck Jonathan (PDP) et Muhammadu Buhari (APC). Le 11 avril, une autre élection permettra délire les gouverneurs et les assemblées locales des Etats. Dici là, le Nigeria devrait connaître le dénouement du scrutin le plus important pour le pays depuis le retour à la démocratie. Dans la même ferveur. Dans la même infatigable patience.
Et le Nigeria de pousser un premier soupir, intense, de soulagement, dimanche 29 mars : la veille, le jour de vote tant attendu, tant redouté, sest terminé sans problème majeur. Et cela constitue déjà une première victoire pour le pays tout entier.
Boko Haram, pour commencer, avait promis de perturber le scrutin, cet exercice « impie » qui semble pourtant provoquer lenthousiasme général au Nigeria, toutes religions confondues, et laisse planer la possibilité, pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1999, quun parti dopposition, le All Progressives Congress (APC), remporte la victoire face à lindéboulonnable parti au pouvoir, le Peoples Democratic Party (PDP).
Le groupe djihadiste dAbubakar Shekau na pas déclenché dattentats-suicides majeurs, comme il lavait fait ces dernières semaines, notamment dans les principales villes de son aire daction, dans les états du nord-est du pays. De tels attentats auraient été susceptibles, peut-être, de faire dérailler le vote, surtout dans les camps des déplacés (près dun million de personnes au total ont été chassées de chez elles), où des explosifs ont été retrouvés les jours derniers. Néanmoins, des hommes de Boko Haram ont attaqué plusieurs localités, dans lEtat de Borno ou celui, voisin, de Yobe, où les assaillants ont tué vingt-cinq personnes dans une seule localité.
Dimanche, une tentative dattaquer Bauchi a par ailleurs été lancée par une colonne dune dizaine de véhicules de la secte islamiste. Des combats ont opposé plusieurs de ses membres aux forces armées à une dizaine de kilomètres de la ville, alors que le vote avait encore lieu dans certains quartiers. Il nempêche : les insurgés ont subi de sérieux revers militaires au cours des dernières semaines, et leur capacité à perturber lélection de manière significative aurait pu apparaître comme un signe de force : ce ne fut pas le cas. Leur ville symbole, Gwoza, prise quelques heures avant le scrutin : cela aurait pu passer pour une manuvre maladroite de récupération. Mais rien de ce qui concerne Boko Haram na plus ces jours-ci dimpact sur lopinion nigériane hors des zones touchées par linsurrection. Le pays est tout entier emporté par la bataille politique et le résultat de lélection, bien plus que par les mouvements de ses soldats dans le lointain Nord-Est.
Autre catastrophe évitée : les mesures dintimidation délecteurs que lopposition, le All Progressives Congress (APC), disait redouter le jour du vote, nont globalement pas eu lieu. Hormis quelques incidents isolés, les groupes de voyous nont pas terrorisé des régions entières. En tout cas pas jusquà présent. Dans la région du delta du Niger, doù est originaire le président, Goodluck Jonathan, de nombreux groupes de « militants » surarmés ont déjà annoncé quils naccepteraient pas de défaite de leur candidat. Mais cette question, pour lheure, est suspendue, et jusquici, nul na déclenché de perturbations du scrutin. Les policiers et soldats, dans lensemble, ont surtout veillé à la sécurité générale (doù, sans doute, labsence de grands attentats). Dimanche, en cours de journée, il était encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur la tenue du scrutin, dabord, parce que le vote nétait pas terminé à léchelle nationale : il avait fallu rouvrir 300 bureaux de vote (sur 153 000 à travers tout le pays) où lélection navait pas pu se terminer samedi soir, pour cause de problèmes techniques. Ensuite, il faudra attendre la proclamation des résultats. Cest à présent le seul sujet de préoccupation national.
Une interminable journée dattente
A quoi se mesure lenvie dune nation de peser sur son destin un jour délection ? A son irrépressible désir de voir un parti ou lautre triompher dans un vote dans lespoir que la vie, léducation, lemploi, laccès aux soins, en soient améliorés. Mais aussi, à son courage physique. Tout cela est réuni en concentration très élevée au Nigeria, où il a fallu, samedi, que des dizaines de millions délecteurs endurent une interminable journée dattente, dans des villes où toute activité avait cessé, pour enfin voter. Ces longues heures de retard doivent beaucoup à un nouveau système denregistrement et didentification des électeurs, à laide dune carte biométrique.
Ces cartes personnelles ont été adoptées pour limiter lampleur des fraudes : chacune dentre elles contient une puce dans laquelle se trouvent la photo et les empreintes digitales de linscrit. Cela interdit, en théorie, les « achats » de cartes en groupes par les partis politiques. Mais samedi matin un grand nombre de lecteurs de cartes à travers le Nigeria se sont révélés défaillants : des retards notables ont été enregistrés dans près de la moitié des bureaux de vote à léchelle du pays, selon la Situation Room, un regroupement dorganisations de la société civile. Même le président de la république, Goodluck Jonathan, a été obligé de sy reprendre à plusieurs fois et essayer plusieurs appareils, pour voir finalement ses empreintes digitales reconnues, et pouvoir voter dans son bureau de vote de lEtat de Bayelsa (sud du pays).
A Kaduna (à 160 km au nord dAbuja) aussi, de nombreux lecteurs refusaient samedi matin de reconnaître les empreintes, tout en lisant les cartes Il a donc fallu se résoudre à recourir aux vieilles méthodes : émarger les noms sur une liste imprimée des inscrits « Nous avons fait de notre mieux dans des circonstances très difficiles », a déclaré le président de la Commission nationale électorale indépendante (INEC), Attahiru Jega à la télévision samedi soir, en ajoutant : « Cela na pas empêché les lecteurs de carte dajouter une crédibilité substantielle [au scrutin]. » Un avis partagé par de nombreux votants. Dans le nord de Kaduna, en zone ultra-favorable à lAPC, les inscrits, hommes et femmes, sont arrivés avant le lever du soleil, samedi. Le soir, ils étaient encore en train dattendre devant les tentes érigées sur la place devant lhôpital de Badarawa. On tient le coup en grignotant un beignet ou une tranche de pastèque. Se plaindre ? Jamais de la vie ! « Il ny a que les enfants qui se plaignent. On ne bouge pas ! On restera toute la nuit, sil le faut, mais je ne partirai pas dici avant davoir voté pour le changement [pour lAPC] », commence par expliquer un homme dans la foule, avant dajouter : « Bien sûr, cest long, mais avec les nouvelles cartes, on a moins de chaos, moins de voyous qui viennent tout perturber. Cest beaucoup plus difficile de tricher. »
Létape délicate de lannonce des résultats
Dans le sud de la ville, non loin de la raffinerie, on partage ce point de vue, même si le vote se fait en revanche en faveur du parti au pouvoir, le PDP. Il est facile de le constater puisque les électeurs, comme les électrices, sortant de lisoloir, exhibent soigneusement leur bulletin avant de le plier, afin quil soit bien visé par deux hommes mystérieux, au sein de la foule, qui vérifient ainsi que le vote a bien été fait en faveur du parti au pouvoir. En une heure de dépouillement, pas un électeur névite cette « exhibition ». Tous ont voté, sans exception, pour le PDP.
Ce nest quune des multiples imperfections de ce scrutin géant (68,8 millions dinscrits à lorigine, mais peut-être un dixième dentre eux nont jamais reçu leur nouvelle carte biométrique). Une fois les derniers bureaux de vote fermés commencera létape suivante : lannonce des résultats. La plus dure. La plus délicate. Pour lemporter à lélection présidentielle, lun des quatorze candidats doit réaliser le score le plus important, mais aussi obtenir au moins 25 % des voix dans les deux tiers des 36 Etats de la fédération nigériane. Les résultats de lélection des sénateurs et des députés, dont lélection sest tenue également samedi, nauront pas le même impact que le choc des titans : les deux candidats principaux, Goodluck Jonathan (PDP) et Muhammadu Buhari (APC). Le 11 avril, une autre élection permettra délire les gouverneurs et les assemblées locales des Etats. Dici là, le Nigeria devrait connaître le dénouement du scrutin le plus important pour le pays depuis le retour à la démocratie. Dans la même ferveur. Dans la même infatigable patience.
Le Nigeria dans lattente après une journée de vote dans le calme
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